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par Josée Martineau
Depuis 2008, je travaille au Nunavik comme infirmière. J’y ai été quelques années permanente et j’y vais maintenant 2 mois par année. C’est là que tout a commencé…
J’aime beaucoup randonner lors de mes congés. J’en profite pour voyager aux quatre coins de la planète, une soixantaine de pays visités déjà. Pour garder la forme entre mes voyages, je prends la résolution de marcher chaque jour au Nord, beau temps, mauvais temps. Ma résolution tient bon malgré les avertissements des Inuit qui me trouvent insouciante de m’aventurer dehors même lors des blizzards. Souvent, la travailleuse sociale ou une autre infirmière m’accompagne pour ces sorties. On ne va pas très loin dans la toundra puisqu’on est toujours de garde pour les urgences.
Un jour, une collègue infirmière m’annonce qu’elle quitte le Nord pour de bon. Avant de partir, elle me vend son tapis roulant. Je trouve que c’est une belle acquisition pour éviter de sortir dans les blizzards ou à la noirceur. L’hiver, nous avons environ 4-5 heures de clarté seulement. Puisque mon logement est petit, j’installe le tapis à la clinique en me disant que ça sera peut-être utile à faire bouger ou dégriser les patients.
-34°C, ça ne donne vraiment pas le goût de sortir avec ce vent de 60 km/h. Les avions ne peuvent venir. Les ski-doo sont silencieux. Et même les huskies sont en boules, immobiles. J’enfile mes shorts et un t-shirt et je commence à marcher. Puis, j’appuie de plus en plus sur le bouton des vitesses. Rapidement, je n’ai plus le choix, je commence à jogger et même courir. Dire que j’ai toujours détesté tous les sports où il fallait courir à l’école! Au bout de quelques minutes, j’y prends même plaisir! Quoi, c’est possible d’avoir du fun sur un tapis?
Je communique avec ma cousine physiothérapeute pour lui demander comment progresser sans se blesser. Elle me conseille de télécharger une application « couch to 5k ». C’est ainsi que 3 fois/semaine, je suis religieusement le programme. 2 mois plus tard, je suis une coureuse!
À mon congé suivant, je me retrouve en Nouvelle-Zélande pour un mois de rando. Tongariro, Abel Tasman, le glacier Fox et le Franz Josef, Milford Sound, Wanaka, Egmont… le pays est magnifique! Quelle fut ma surprise lorsque j’ai vu pour la 1ère fois de ma vie, des trailleurs! Wow, on peut mélanger course et rando! Avec mon sac de 20L, j’essaie de suivre le couple qui est passé devant moi et j’enchaîne quelques kilomètres. Au camping, je télécharge la suite « 5k to 10k » et « 10k to 21k ». Je fais souvent 20k dans une journée de rando, alors je me dis que si je le fais à la course, ça ira plus vite et je verrai plus du pays.
De retour au Nunavik, un jour d’avril, je suis déjà en short et t-shirt, prête à traverser à la clinique. Au moment de sortir, je vois 2 grands ados entrer dans le garage en face de ma maison suivis par 5 petites filles (leurs sœurs et des amies). Les jeunes du village ont l’habitude de s’y réfugier pour fumer en cachette. Je sors dehors. Une fillette du groupe me voit et me demande ce que je fais habiller aussi court. En grelottant déjà, je réponds que je vais courir à la clinique. Une autre fillette dit « on veut y aller ». À l’intérieur de moi, le dialogue intérieur se bouscule: si je dis non, elles vont commencer à fumer avec les grands et si je dis oui, je ne pourrai pas courir comme je veux… j’accepte qu’elles me suivent. Chacune y va à tour de rôle. Au bout d’une heure, l’une d’elles demande si elles peuvent revenir le lendemain. Même dialogue intérieur: si je dis oui, je ne vais pas courir comme je veux et si je dis non, elles n’auront pas grand chose à faire… j’accepte encore de me laisser déranger. Le soir même, je cherche sur internet un objectif… ce sera le10k du Marathon de Québec.
Je suis une apprentie coach, je ne sais pas comment faire, mais une trentaine de jeunes de 5-14 ans me suivent dans les rues du village. Certains ont un gros habit de neige, d’autres sont en bottes de pluie, ce n’est vraiment pas idéal, mais nous avons du plaisir. 8 jeunes de 11-13 ans sont choisis pour aller à Québec. Une maman du village et son enfant de 2 ans m’accompagnent dans ce projet fou. À Québec, un policier et une enseignante du village nous aident aussi pour vivre cette semaine inoubliable. Le jour de la course, les jeunes se donnent à fond. C’est ma 1ère course officielle, moi aussi. Quelle expérience de dépassement!
Les jeunes repartent vers le Nord et je reste au Sud pour quelques jours encore. Ma voiture me mène en Gaspésie. Je m’émerveille de ces beaux paysages et de ces pentes abruptes. L’appel du trail revient… Ouff, mes quadriceps en mangent un coup! Puis dans une autre trail, je m’enfarge dans une racine… résultat: un bras dans le plâtre! Je me dis qu’il faudrait peut-être que j’apprenne comment faire sans me détruire!
Et c’est ainsi que Tout.Trail est entré dans ma vie!
Maintenant, je n’ai plus de tapis quand je retourne au Nord, mais la course en sentier m’a appris à sortir, même à -34°C!